Aux Moulins, la tristesse et la rage se côtoient difficilement. Sous le poids d’un deuil éprouvant, la colère gronde, contenue par un profond respect pour les victimes. "On est tous en deuil, mais, après, il peut se passer des choses très graves," s’exprime Ryane, la trentaine.
En pointant du doigt les fenêtres béantes et les murs marqués par les flammes, il montre le bâtiment 38, rue de la Santoline, où sept membres d’une famille comorienne ont perdu la vie. "Ce sont les dealers qui font la loi. On est à bout. Il ne faudra pas s’étonner si ça explose dans le quartier," ajoute un père de famille, tout en se répétant pour se convaincre, "Mais pas maintenant, pas maintenant."
Plus loin, une femme âgée hésite entre hurler ou pleurer. "C’est épouvantable. Ça devait arriver, avec toute cette drogue. Ils ne font rien pour nous," confie-t-elle, encore bouleversée par l’incendie survenu durant la nuit de mercredi à jeudi. Elle habite aux Moulins depuis 34 ans et rappelle avec nostalgie, "Je vous jure, avant, c’était bien."
Mercredi, l’association Nice Moulins Solidarités organise une marche blanche pour rendre hommage aux sept victimes et soutenir les trois survivants, maintenant orphelins. Nourredine, le président de l’association, décrit le parcours de la marche : "Nous partirons à 18 heures de l’église, puis nous prendrons Paul Montel, la Digue des Français, l’avenue de la Méditerranée, et Martin Luther King, jusqu’à la Santoline et l’immeuble du drame. Nous distribuerons des roses blanches."
Nourredine, touché de près par l’incendie - son beau-frère était le voisin direct de la famille décimée - souligne la nécessité d’éradiquer le trafic de drogue : "J’avais prévenu qu’un jour il y aurait un drame d’une telle ampleur. Il est temps que les pouvoirs publics se retroussent les manches."
À peine quelques heures après que les forces de l’ordre se soient repliées, les points de deal étaient de nouveau actifs près du bâtiment 38. "Des habitants ont essayé de chasser les dealers, leur demandant un peu de respect," confie un résidant du quartier.
Le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, reste prudent quant au lien entre le narcotrafic et l’incendie meurtrier. Toutefois, les habitants ne doutent pas de cette connexion. "Ce n’était pas cette famille la cible," explique un jeune homme. "C’était la famille du troisième étage. Le fils est au bled, il avait été condamné pour trafic de stup."
L’enquête, ouverte pour "destruction volontaire par incendie en bande organisée et ayant entraîné la mort," est en cours. Une chasse à l’homme pour retrouver les trois suspects aperçus en train de pénétrer dans l’immeuble avant l’incendie, mobilise une cinquantaine de policiers. L’un de leurs proches a déjà été placé en garde à vue.
Les Moulins vivent aujourd’hui dans la peur et l’incertitude, entre rage et tristesse, portant le lourd fardeau d’une tragédie qui pourrait bien être le signal d’une crise plus profonde.
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