« J’appelle ce soir les Français attachés à leur liberté à me rejoindre pour amplifier la dynamique et faire gagner l’union nationale », a déclaré Jordan Bardella dimanche, à l’issue du premier tour des législatives. Avec 33,15 % des suffrages, le Rassemblement national (RN) et ses alliés ont pris la tête, mais sans garantie de remporter la majorité absolue lors du second tour prévu le 7 juillet. Dans ce contexte, Bardella a déjà prévenu qu’il refuserait Matignon en l’absence de cette majorité cruciale. Quelles en sont les motivations ?
Ce lundi, Jordan Bardella a réitéré son objectif : obtenir une majorité absolue de 289 sièges à l’Assemblée nationale pour accepter le poste de Premier ministre. Cet argument n’avait jamais été aussi explicitement formulé par les dirigeants du RN avant le 17 juin, lorsqu’il en a fait état lors d’un entretien au Parisien. Une stratégie pour stimuler l’engagement de ses partisans. « Il explique qu’il ne veut pas être entravé dans son action comme Elisabeth Borne ou Gabriel Attal l’ont été depuis 2022", indique Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS et Cevipof. La mobilisation sera cruciale ce dimanche, notamment dans les circonscriptions en triangulaires, où chaque voix comptera », ajoute-t-il.
C’est dans ce cadre que l’eurodéputé du RN a renouvelé son discours ce lundi, ajoutant la menace d’une victoire de la gauche. « Soit les Français m’accordent cette majorité absolue, soit ils prendront le risque de voir le Nouveau front populaire diriger le pays ». Ainsi, en brandissant l’ombre de Mélenchon, Bardella espère mobiliser l’électorat centriste pour son parti et contrer les nombreux « désistements républicains » contre les candidats RN.
Si le RN venait en tête dimanche, Emmanuel Macron pourrait choisir de nommer Jordan Bardella à Matignon même sans majorité absolue. « Pour être un Premier ministre efficace, il faut la majorité absolue. Être nommé pour n’être qu’une marionnette d’Emmanuel Macron, ça ne sert à rien », commente Julien Odoul, député RN de l’Yonne réélu dès le premier tour.
Le RN veut éviter la situation délicate du camp présidentiel depuis 2022. « Être Premier ministre est un métier difficile, surtout pour quelqu’un d’inexpérimenté comme Bardella. Mais sans majorité absolue, Matignon devient rapidement un enfer », estime Olivier Costa. « La majorité présidentielle pouvait compter sur LR, mais la gauche et le camp présidentiel ne feront aucun cadeau. Bardella n’aurait aucune marge et serait contraint de faire passer ses textes en force, s’exposant aux mêmes critiques que celles du RN contre le pouvoir macroniste », explique le spécialiste du Parlement.
Jordan Bardella sait aussi qu’avec une majorité relative, il serait constamment sous la menace d’une motion de censure. « Le risque de voir son gouvernement tomber serait réel, ce qui plongerait le pays dans une crise, empêchant une nouvelle dissolution avant un an », remarque Olivier Costa.
L’argument de la « majorité absolue » semble d’ailleurs s’être retourné contre le RN ces dernières heures. Gabriel Attal et les leaders de la gauche ont appelé les Français à « faire barrage » pour éviter que Jordan Bardella ne gouverne avec un projet jugé funeste par ses opposants.
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